Tribune de l’Ambassadeur à "Nezavissimaia gazeta"

L’Europe et la Russie doivent développer ensemble un partenariat durable

Honorer aujourd’hui la mémoire du général de Gaulle , c’est aussi continuer de réfléchir sur les intérêts forts qui existent entre nos deux pays et la sympathie toujours aussi vive que nos deux peuples éprouvent l’un pour l’autre, en dépit des circonstances et des péripéties qu’apporte l’Histoire.

Il y a 70 ans, le général de Gaulle, chef de la France Libre, se rendait à Moscou.
Charles de Gaulle, qui avait refusé la capitulation de la France devant l’Allemagne et menait, depuis son appel du 18 juin 1940, la lutte pour la libération de notre pays, était président du Gouvernement provisoire de la République française lorsqu’il effectua une visite officielle à Moscou du 2 au 10 décembre 1944.

Le 10 décembre, avec des représentants de la Fondation Charles de Gaulle et des jeunes élèves russes et français des écoles Charles de Gaulle, Normandie-Niemen et du Lycée français Alexandre Dumas de Moscou, nous avons célébré à la résidence de France à Moscou le 70e anniversaire de cette visite.

Cet événement nous replonge dans l’Histoire et doit nous faire réfléchir sur l’avenir. Le général de Gaulle a décrit dans ses Mémoires de guerre « l’heure émouvante » pendant laquelle il a passé en revue ici à Moscou les aviateurs et les mécaniciens français de l’escadrille Normandie, seule force occidentale qui se battait aux côté de l’Armée rouge sur le front de l’Est.

Honorer aujourd’hui la mémoire du général de Gaulle et de tous ceux tombés au combat ou qui ont combattu ensemble, c’est aussi continuer de réfléchir sur les intérêts forts qui existent entre nos deux pays et la sympathie toujours aussi vive que nos deux peuples éprouvent l’un pour l’autre, en dépit des circonstances et des péripéties qu’apporte l’Histoire.

Peu après son retour de Moscou, le général de Gaulle s’adresse aux représentants de la nation française, le 21 décembre 1944, lors de l’adoption du traité bilatéral franco-soviétique et le justifie au nom de l’amitié entre nos peuples : « C’est la raison qui dicte les pactes. Peut-être cependant entre-t-il dans quelques-uns ces sentiments de sympathie qui viennent du fond de l’Histoire et qui, d’ailleurs, procèdent souvent de l’instinct populaire quant aux intérêts traditionnels des nations. »

Ce traité traduit à l’époque une convergence d’intérêts et de vues entre deux pays, même si ces derniers n’ont pas forcément des objectifs similaires. Fin 1944, le général de Gaulle cherche, en effet, tant à rétablir l’indépendance de la France, dont le territoire est encore occupé, qu’à trouver une solution pérenne pour la réconciliation future du continent européen, qui ne pourra pas, selon lui, être réglée sans la France.
Le général de Gaulle est intimement convaincu que l’Europe se conçoit « de l’Atlantique à l’Oural » et que c’est dans cette Europe-là, et non ailleurs, que se trouvent les clefs du destin et de la sécurité européens.

Ce traité est bien pour lui un pacte entre deux acteurs européens majeurs, entre la France et la Russie, nom qu’il préfèrera toujours à celui d’Union soviétique, laquelle ne représentait pas, à ses yeux, une entité historique mais une réalité politique temporaire.

Comme le président de la République, M. François Hollande, a eu l’occasion de le faire tout au long de l’année 2014, il est essentiel de se souvenir et de célébrer la fraternité d’armes qui a réuni les peuples français et russe au cours des deux conflits mondiaux. Notre gratitude à l’égard de la Russie et de tous les peuples de l’Union soviétique est immense. Comme l’est notre reconnaissance à l’égard de l’ensemble de nos alliés, en particulier Américains et Britanniques, dont la solidarité ne nous a jamais manqué.

Il est aussi essentiel que les nouvelles générations se souviennent que c’est sur ces bases que la France et ses partenaires de l’Union européenne, décidés à éradiquer à jamais le spectre de la guerre, de la haine, de l’intolérance, du racisme et du nationalisme, ont bâti depuis plus de soixante ans un espace de liberté, de sécurité, de prospérité et de démocratie unique au monde.

Pour que le sacrifice de nos aînés n’ait pas été vain, il nous appartient de faire vivre cette Europe de la paix, notamment à travers le développement d’un partenariat confiant et durable avec la Russie.

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publié le 19/08/2015

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